burka

(en collaboration avec Abdennour Bidar, professeur de philosophie)


Il s'agit du voile intégral ne laissant voir que les yeux ; le regard étant même le plus souvent dissimulé par une grille de voile. A distinguer du hidjab qui ne couvre que la tête, objet de la polémique en milieu scolaire.

Dans le monde musulman, comme en Afrique du Nord, le port du voile s'accompagne d'une grande diversité de styles vestimentaires. La burka en revanche est une innovation venue d'un vêtement traditionnel des femmes d'Afghanistan, et qui passant par l'Iran, a été ensuite adoptée par les franges les plus conservatrices des sociétés musulmanes.

Elle exprime ce que l'on pourrait appeler paradoxalement un  " traditionalisme contemporain " ; c'est-à-dire une forme d'attachement à la tradition de dissimulation du corps féminin dans l'espace public, mais qui aurait acquis une virulence tout à fait nouvelle, inquiétante parce que violemment radicalisée, sans commune mesure avec les usages anciens plutôt modérés.

La burka ne peut donc se prévaloir d'aucune justification historique, ni dans le Coran, ni dans les moeurs traditionnelles. C'est une innovation dont le caractère islamique est plus que discutable. De nombreux musulmans en souffrent et regrettent une fois de plus que certains donnent une image caricaturale de leur culture, en entretenant les pires stéréotypes à son sujet.

Ils estiment qu'il ne s'agit là que d'une exagération, voire d'une pathologie religieuse, qui nuit aussi gravement qu'inutilement à l'image de l'islam, et ne peut correspondre qu'à une régression pour la condition féminine : une femme totalement voilée ne pouvant apparaître, symboliquement et physiquement, que littéralement enfermée sur elle-même, anonyme sans visage, retranchée du monde, sous l'effet de la domination masculine.

En France, hors milieu scolaire et hors personnel des services publics, le hidjab en revanche, par sa discrétion, son caractère de choix modéré, laissant le visage découvert, ne dresse pas la même frontière entre soi et autrui. Il peut alors exprimer autre chose, en l'occurrence la revendication d'une estime de soi : " je suis une femme et je ne veux pas être regardée dans l'espace public comme un objet de désir ". Cela me laisse un peu coi. Je peux désirer une femme, avec ou sans voile (s) !...

Au Caire, notre guide, en réponse à notre question, l'avait justifié par son désir de retour à la religion. Issue d'une famille aisée (sa mère fut directrice du musée du Caire), voyageant, elle avait abandonné les pratiques de sa religion. Puis elle s'est mariée. Ceci doit expliquer cela, quoiqu'elle en dise : " non mon mari n'impose rien ".

Ce que disent certaines femmes musulmanes, c'est que l'essentiel se situe ailleurs, dans l'intériorité. (attention ! pas de mauvais jeu de mots, pas " dans l'infériorité "). Elles préfèrent alors un islam du coeur, de la vie privée, refusant un voile même léger, qui demeurera toujours comme un instrument de différenciation des femmes, de marquage, qui laisse sur elles l'empreinte d'un pouvoir subi par les hommes (même si c'est un choix personnel et autonome). Elles refusent d'entrer dans la logique qui voudrait faire du voile un instrument de protection et de valorisation de la sacralité du corps féminin, et ne voient dans cette justification qu'un subterfuge de la domination masculine.




subterfuge de la domination masculine ?





On ne peut souhaiter que deux choses :

-  qu'elle soit l'opportunité pour les musulmans de manifester leur opposition à cette pathologie de leur culture ;

-  qu'elle permette ensuite à la société française de prendre la mesure de la diversité des musulmans et de se débarasser d'une certaine représentation  de l'islam. Que la vision des burkas risque en effet d'aggraver.